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Dans quelles circonstances un concurrent peut-il utiliser de manière licite la marque d’un tiers sur Internet ?

a question peut se poser dès lors qu’une société concurrente utilise la marque d’un tiers à travers un lien commercial (dit « lien sponsorisé ») pour attirer des clients potentiels sur son propre site Web. S’agit-il d’une publicité trompeuse ? Confusion induite volontairement dans l’esprit du consommateur ? Là n’est plus le débat car ce procédé est licite. En effet, la jurisprudence est catégorique et constante en la matière.

Absence de démonstration d’un risque de confusion effectif entre les sites internet

En effet, tout a été remis en question plus d’un an et demi plus tard lorsque la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel.

Concernant la responsabilité de Google, il était déjà établi qu’elle doit bénéficier du régime de responsabilité limitée institué au profit des hébergeurs par l’article 6-1-2 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN).

Dans l’arrêt du 29 janvier 2013, la Cour de cassation a estimé que le seul fait d’utiliser une marque appartenant à une société concurrente, comme mot clé, afin de diffuser une annonce publicitaire, n’est pas considéré comme caractéristique du détournement déloyal de clientèle.

En l’absence de démonstration d’un risque de confusion effectif entre les sites internet des deux entreprises, le démarchage de la clientèle d’autrui doit être considéré comme étant parfaitement licite dès qu’il n’est pas accompagné d’un acte déloyal.

L’affichage du site « homecinesolutions.fr » de la société Solutions, après avoir effectué une recherche sur Google en utilisant le terme « Cobrason », n’est également pas constitutif d’une publicité trompeuse selon les juges. Il en est de même de l’utilisation de la formule « Pourquoi payer plus cher ».

Pour qu’il y ait publicité trompeuse, de nature à induire en erreur, il faut qu’une telle publicité porte sur un ou plusieurs des éléments énumérés par l’article L. 121-2 du Code de la Consommation.

Cette décision est en cohérence avec trois arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne le 23 mars 2010 (CJUE, 23 mars 2010, aff. C-236/08 à C-238/08, Google AdWords), qui ont autorisé l’utilisation de mots clés correspondant à des marques d’une société tierce, dans le cadre d’un service de référencement sur Internet.

Il s’agit d’une jurisprudence constante puisque la Cour d’appel, dans une affaire similaire, a également reconnu que le seul référencement sous la marque « Delko » ne suffit pas à caractériser un comportement parasitaire de la société défenderesse et doit être considéré comme un démarchage licite de clientèle (CA, Aix-en-Provence, 2ème Ch., 3 avril 2014, RG n°12/10894).

De facto, le déférencement d’un concurrent est constitutif d’un acte de concurrence déloyale dès lors que le risque de confusion n’est pas établi.

La Cour d’appel de Lyon a ainsi estimé, à bon droit selon la Cour de cassation, qu’en obtenant de la société Google qu’elle supprime le référencement de l’annonceur sur Internet, le titulaire de la marque avait privé indûment l’annonceur d’un moyen d’accéder à une clientèle (CA, Lyon, 19 janvier 2012, 09/07831 – Ccass, com, 14 mai 2013, 12-15.534).

Le risque de confusion doit être démontré, il ne se déduit pas de la simple utilisation, à titre de mot clé, d’une dénomination sociale ou d’une marque d’une société concurrente dans le cadre d’un service de référencement (CA, Paris, Pôle 5 ch. 5, 5mars 2020 n°17/13954).

C’est en ce sens que la Cour d’appel de Montpellier s’est prononcée dans un arrêt du 16 mars 2021 (CA Montpellier, Chambre commerciale, 16 mars 2021, n° 18/03922).

Le litige opposait la société Sodex-CPDEM, qui vend des pièces détachées d’électroménager dans un établissement situé à Montpellier, à la société Severo, grossiste de pièces détachées d’électroménager, qui avait repris le nom CPDEM dans l’annonce de son lien commercial.

Selon la Cour, la société SODEX n’a pas démontré qu’elle était suffisamment connue, de sorte qu’elle ne pouvait établir que le clic effectué sur le lien commercial contesté ‘cpdem montpellier servero.fr’ tradusait le souhait de l’internaute de se retrouver sur son site plutôt que sur celui de la société Servero.

Ainsi, dès lors que le démarchage de la clientèle s’accompagne d’un procédé déloyal, celui-ci devient illicite.

A titre d’exemple, l’utilisation du signe « PAP » par la société Entreparticuliers est selon les juges constitutif de contrefaçon, dès lors que ce signe constituait un signe d’identification et d’information du consommateur le reliant directement à la marque de la société Les Editions.

Le clic sur ce signe dirigeait directement le consommateur vers le site de la société Entreparticuliers, profitant de façon déloyale de la notoriété de la marque « PAP » et créant un risque de confusion quant à l’origine des produits proposés (CA Paris, Pôle 1, 26 juin 2014, n° 2013/09891).

Les parades à mettre en place

L’utilisation en tant que mot clé de la marque d’un concurrent est possible, si aucun acte déloyal n’est relevé, le seul démarchage de la clientèle de tiers étant licite.
Les Tribunaux examineront notamment si le site proposé ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute lambda de savoir si les produits ou les services proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers (CA, Paris, Pôle 5, chambre 2, 21 juin 2013 n°12/11394).

Au vu des jurisprudences citées, il est vivement conseillé de mettre en place des parades et notamment de disposer d’un site internet particulièrement identifiable, ainsi que d’accroches fédérant la clientèle pour que cette dernière ne se laisse pas détourner par un tiers ayant acquis la marque de son concurrent en tant que mot clé.

En effet, pour caractériser un acte de concurrence déloyale ou parasitaire, les juges peuvent être amenés à vérifier si le site internet de la société demanderesse a fait l’objet d’investissements pour se faire connaitre (CA, Rennes, 3ème Ch. Com, 3 juillet 2018, RG n°16/00156). Le consommateur, de manière impulsive, instinctive et irréfléchie, mais jamais de façon aveugle, saura toujours rendre gré à la marque de savoir défendre son territoire férocement.

Ainsi, autoriser une société concurrente à utiliser la marque d’un concurrent dans le cadre d’un service de référencement affaiblit considérablement la protection des marques sur Internet au profit de la liberté du commerce et de la concurrence.